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VENTES D'ARMES : THEORIE ET PRATIQUE
LES VENTES D'ARMES - THEORIE ET EX DE PRATIQUE
LA THEORIE DES VENTES D’ARMES PAR LA FRANCE - LES REGLES APPLICABLES
L’exportation d’armes est une activité légale et la France se doit pour se faire de respecter sa réglementation et celles auxquelles il a souscrit par ailleurs, ex : la France au plan européen.
Sur le plan national, le contrôle des exportations d’armements français s’inscrit dans un cadre législatif et réglementaire qui prend en compte les impératifs nationaux de souveraineté et de sécurité et les engagements internationaux de la France.
Principe de prohibition de l’exportation des matériels de guerre tempéré par un mécanisme d’autorisation – Toute entreprise française qui souhaite exporter du matériel de guerre et assimilé doit demander, au préalable à la négociation avec l’acheteur, une licence d’exportation à la Direction générale de l’armement (DGA) qui transmet la demande à la Commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériels de guerre (CIEEMG). Cette commission est rattachée au Premier ministre et la préside le Secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN). Elle se compose d’un représentant du ministre des Armées, du ministres des Affaires étrangères et du ministre de l’Economie. Elle a notamment compétence pour rendre des avis « sur les demandes de licence d’exportation de matériels de guerre et matériels assimilés », pour se faire elle tient compte de divers facteurs tels que « l’impact opérationnel et du risque potentiel que ces exportations pourraient représenter pour les forces françaises et celles de ses alliés », le « risque de détournement au profit d’utilisateurs finaux non autorisés », « l’impact géopolitique des opérations et l’adéquation des demandes avec les orientations de la politique étrangère et les engagements internationaux de la France », « les capacités financières du pays acheteur et sur l’analyse de la capacité de ce pays à honorer les paiements qui seront dus à l’exportateur français » ou « l’intérêt que peut représenter la demande d’exportation pour le maintien, voire la survie d’une filière industrielle ».
Sur la plan international, la France doit se conformer à ses engagements internationaux. Les demandes d’exportation doivent être évaluées sur la base des critères définis au niveau international et européen en tenant compte « des conséquences de l’exportation en question pour la paix et la sécurité régionales, de la situation intérieure du pays de destination finale et de ses pratiques en matière de respect des droits de l’Homme ».
Les obligations de la France résultent principalement du Traité sur le Commerce des Armes (TCA) – TCA ratifié le 2 avril 2014 auquel la France attache la plus grande importance et qui doit selon le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères « permettre de limiter la fourniture d’armes et de munitions dans les zones d’instabilité, d’éviter les violations du DIH et des droits de l’Homme, de préserver la paix, la sécurité et la stabilité régionale et d’accroître la transparence en matière de transferts d’armements ».
Le DIH (droit international humanitaire) impose aux Etats de « respecter et de faire respecter en toutes circonstances le droit international humanitaire » - article 3 commun aux 4 conventions de Genève de 1949. Cette obligation s’interprète comme imposant aux Etats tiers à un conflit, de s’abstenir de tout acte qui encouragerait ou faciliterait la commission d’une violation du DIH et d’utiliser les moyens dont ils disposent pour agir sur le comportement d’une partie à un conflit armé afin de prévenir toute violation. Appliquer cette obligation exige que l’État s’abstienne de procéder à ce transfert s’il existe un risque « substantiel ou manifeste » que le destinataire utilise les armes pour commettre de telles violations. En outre, un Etat se doit de prendre des mesures positives pour faire respecter le DIH par les parties à un conflit armé en exerçant son influence, en fonction des moyens dont il dispose, pour inciter les parties à un conflit à respecter le DIH, en particulier s’il existe un risque prévisible que des violations du DIH puissent être commises.
Ces principes généraux qui président à l’adoption des obligations qui pèsent sur les Etats parties au TCA visent les armes classiques énumérées à l’article 2 du traité, ie les armes habituelles de la guerre sur terre, sur mer et dans les airs – blindés, artillerie, aéronefs et hélicoptères de combat, navires de combat, les armes de petit calibre ainsi que les munitions (article 3) et les pièces et composants de ces armes classiques (article 4).
Si l’État partie, au moment de l’autorisation « a connaissance » que l’exportation de ces armes pourraient servir à commettre (…) des violations graves des Conventions de Genève de 1949, des attaques dirigées contre des civils ou des biens de caractère civil (…) ou d’autres crimes de guerre tels que définis par des accords internationaux auxquels il est partie » il doit refuser l’autorisation (article 6). Si l’exportation n’est pas interdite par l’article 6, chaque partie doit vérifier « de manière objective et non discriminatoire, en tenant compte de tout élément utile » avant toute exportation d’armes visées à l’article 2, si l’exportation « contribuerait ou porterait atteinte à la paix et à la sécurité » ou « pourrait servir à...commettre une violation grave du droit international humanitaire ou à en faciliter la commission » ; selon l’article 7, si après avoir accordé l’autorisation, un Etat partie obtient de nouvelles informations pertinentes, il est encouragé à réexaminer son autorisation, après avoir au besoin consulté l’État importateur.
La France a souscrit à des obligations de l’Union européenne – suite à l’adoption de la position commune du Conseil du 8 décembre 2008 qui définit les règles communes relatives au contrôle des exportations de technologie et d’équipements militaires. La Liste commune des équipements militaires de l’Union européenne définit les matériels visés dans sa version du 26 février 2018 qui a une portée plus large que celle du TCA.
La position commune mentionne 8 critères qui doivent être pris en compte avant chaque demande d’autorisation d’exportation d’armes mais comme les critères établis par le TCA ils ne sont pas mentionnés ou introduits en droit national, ni par une loi, ni par un acte administratif d’application. Ex de critère : celui qui fait obligation aux Etats membres après avir évalué l’attitude du pays destinataire à l’égard des principes énoncés en la matière dans les instruments du droit humanitaire international de refuser « l’autorisation d’exportation s’il existe un risque manifeste que la technologie ou les équipements militaires dont l’exportation est envisagée serent à commettre des violations graves du droit humanitaire international ». Si « la décision de procéder au transfert ou de refuser le transfert de technologie ou d’équipements militaires est laissée à l’appréciation nationale de chaque Etat membre » (article 4), « les autorisations d’exportation ne sont accordées que sur la base d’informations préalables fiables en ce qui concerne l’utilisation finale dans le pays de destination finale » (article 5).
EXEMPLE D’APPLICATION - VENTES D’ARMES PAR LA FRANCE A L’ARABIE SAOUDITE : ARGUMENTAIRE RELATIF A LA LEGALITE
L’argument majeur de la France consiste en le mécanisme de contrôle des ventes d’armes mis en place.
La France met en avant la rigueur de son mécanisme de contrôle des exportations d’armes. En « voulant mettre un terme à la fiction selon laquelle on vendrait des armes comme des baguettes de pain », la ministre des Armées souligne en juillet 2018 que « la politique de contrôle des ventes d’armes est stricte et repose sur une analyse au cas par cas ».
Le problème est que le mécanisme reste opaque et si des directives générales par pays et par équipements élaborées chaque année seraient susceptibles d’éclairer ces opérations, elles sont classées « confidentiel défense » voire « secret défense ».
La Ministre considère que « le processus de prise de décision est très scrupuleux, et il nous permet de réagir à chaque étape, et à chaque instant, en fonction de la situation internationale ». De facto, ce n’est qu’une fois les armes transférées sont mises en œuvre que la question de la commission de crimes de guerre du fait de leur utilisation peut se poser. Les rapports officiels sont opaques et il est impossible de déterminer quels matériels livrés ont été mis en œuvre. Il s’avère nécessaire de recourir à des sources privées pour déterminer les effets réels des ventes d’armes. Selon la Ministre, la difficulté vient de l’absence de certitudes quand à l’utilisation des armes françaises au Yémen – février 2018 : « L’utilisation des armes une fois livrées est normalement encadrée. Mais les conflits peuvent évoluer. Qui pouvait imaginer la survenance de ce conflit au Yémen ? Beaucoup de pays sont confrontés à cette situation que d’avoir, le cas échéant, livré des armes à d’autres pays aors que ces armes n’étaient pas censées être utilisées ».
Que répondre à cette argumentation ? Après l’autorisation d’exportation, un processus de suivi doit selon le TCA se mettre en placequi vise l’État exportateur et l’État importateur. A noter que cela est dans les relations entre la France et l’Arabie saoudite, cela devrait être aisé entendu que les ventes d’armes s’accompagnent d’un soutien en matière de formation des utilisateurs et de maintenance des matériels.
L’exportateur « est encouragé » s’il obtient de nouvelles informations pertinentes à réexaminer son autorisation après avoir si besoin est consulté l’État importateur – TCA article 7. L’État importateur « prend des mesures pour veiller à ce que les informations utiles et permanentes soient fournies… à l’État exportateur, à sa demande, pour l’aider à procéder à son évaluation nationale de l’exportation conformément à l’article 7 » - TCA article 8.
L’article 5 du TCA rappelle qu’un « Etat partie applique de façon cohérente objective et non discriminatoire les dispositions du présent traité compte tenu des principes qui y sont énoncés dans le but d’« instituer les normes communes les plus strictes possibles aux fins de règlementer ou d’améliorer la réglementation du commerce international des armes classiques » (article 1).
L’utilisation des armes que la France a vendu à l’Arabie saoudite relève-t-elle de la légitime défense de l’État importateur ?
La ministre des Armées devant la Commission de la défense nationale et des formes armées en juillet 2018 évoque un usage défensif et non offensif de ces armes.
Argument qu’il est difficile de retenir : il est connu que la distinction entre ces deux usages est peu significative, aussi le critère défensif ne saurait constituer un critère légalisant les exportations d’armes et le TCA se garde de retenir cette distinction.
L’on peut admettre que la mise en œuvre de la défense anti aérienne saoudienne le 7 mai 2018 pour intercepter des missiles tirés par les houthis sur le sud du Royaume constitue un usage défensif mais il ne peut en être de même pour les armes engagées par l’Arabie saoudite au Yémen : l’usage d’un système César pour conduire des frappes sur le territoire d’un Etat étranger ne peut relever d’un usage défensif.
A souligner que l’article 7 du TCA est rédigé au conditionnel : ainsi chaque Etat partie évalue si l’exportation d’armes « contribuerait ou porterait atteinte à la paix et à la sécurité » ou « pourrait servir à … commettre une violation... ». L’article 13 précise quand à lui que « toute information de nature commerciale sensible ou relevant de la sécurité nationale peut être exclue des rapports ».
La Position commune utilise des formules telles que « risque manifeste », « existence ou probabilité » ou encore « incidence potentielle » et confirme la nécessité pour l’État qui exporte d’opérer un calcul de probabilité sur le comportement de l’acheteur puisque sont évoqués les « antécédents » de ce dernier.
Le 11 février 2019, un accord de 50 milliards de dollars entre l’Australie et la Société Naval Group sur la construction de 12 sous-marins de dernière génération « Barracuda » est conclu. L’Australie se dote d’armements de nature à garantir sa sécurité et ses intérêts en raison de l’activisme et de l’armement de la Chine. Question : l’exportation de ses armes par la France pose-t-elle problème relativement à la paix et à la sécurité ? L’article 7 du TCA demande à l’État d’évaluer la problématique sécuritaire.
Exporter des armes relève de la politique étrangère de l’État exportateur autant que de l’intérêt économique et repose sur l’appréciation et la défense de ses intérêts. A souligner que le domaine de l’industrie de l’armement est stratégique pour un Etat et concurrentiel, par conséquent l’implication et la vigilance de l’État sont fondamentales.
2017 L’industrie de l’armement en France : 6,9 milliards d’euros de vente à l’internationale
Elle emploie 200 000 personnes – Dassault Aviation, Naval Group, Airbus Group, Nexter systems, Safran, Thales et MBDS – qui ont développé un réseau de sous-traitants qui se constitue de milliers d’entreprises.
Entre 2019 et 2023, les exportations françaises sont en hausse de 47 % - succès du Rafale auprès de l’Inde, du Qatar et de l’Egypte. L’armement français c’est aussi des missiles, frégates, sous-marins, artillerie, hélicoptères, radars, satellites d’observation. Les Etats-Unis représentent 41,7 % du total de la valeur des exportations mondiales, la France 10,9 % et la Russie 10,5 %, la Chine : 5,8 % et l’Allemagne : 5,6 %.
A noter que depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, la course aux armements a repris et, en 2023, les dépenses militaires dépassent 2000 milliards d’euros dans le monde.
Les ventes d’armes à l’Arabie saoudite : considérations diplomatiques et stratégiques. Selon la ministre des Armées : « Créer une relation d’armement avec un pays, ce n’est pas seulement trouver de nouveaux clients, c’est également bâtir un partenariat fondé sur sur des impératifs stratégiques communs et sur la défense de nos intérêts de sécurité ». Donc pour la France, ces ventes d’armes s’inscrivent dans le soutien apporté à la coalition que dirige l’Arabie saoudite dont « l’objectif est de faire appliquer la résolution 2216 des Nations unies et de restaurer l’autorité légitime du pays ». La France agit légalement au regard du droit international mais elle fournit une réponse de jus bellum à une question de jus in bello : le fait que les ventes aient une base légale n’écarte pas le respect du Droit International Humanitaire. Problème en raison de la catastrophe humanitaire que connaît le Yémen. De facto, la France prend le partir de soutenir l’Arabie saoudite afin de ne pas prendre le risque de sa déstabilisation arguant de la lutte anti-terroriste à laquelle s’est convertie cet Etat – l’Arabie saoudite avec les Emirats Arabes Unis, le Bahrein et l’Egypte face au Qatar accusé de soutenir des groupes islamistes radicaux et d’être proche de l’Iran.
ex d'armement fourni à l'Arabie saoudite : RAFALE, nacelles Thalès Damocles XF de désignation de cible et de guidage des bombes que les forces saoudiennes placent sous leurs avions de chasse, avions ravitailleurs Airbus 330-200 MRTT, des canons Caesar 155 mm de Nexter, des hélicoptères de transport COugar de EADS et des drones de renseignement militaire SDTI de Sagem, des blindés légers Renault Sherpa light et Vab Mark 3 de Renault Trucks Defense...
A remarquer que la France entretien également un partenariat stratégique avec le Qatar qu’elle dote de Rafale et qui est intervenu en Liby en 2011 aux côtés de la France et avec les Emirats Arabes Unis qui disposent par exemple de Mirage 2000.
Le problème est l’absence de certitude quand à l’utilisation des armes utilisées au Yémen : « L’utilisation des armes une fois livrées est normalement encadrée. Mais les conflits peuvent évoluer. Qui pouvait imaginer la survenance de ce conflit au Yément ? Beaucoup de pays sont confrontés à cette situation que d’avoir, le cas échéant, livré des armes à d’autres pays alors que ces armes n’étaient pas censées être utilisées ». Certes, selon le TCA, un processus de suivi doit être. Facilité en l’espèce car les ventes d’armes s’accompagnent d’un soutien en matière de formation des utilisateurs et de maintenance des matériels. A souligner que l’exportateur « est encouragé » à réexaminer son autorisation – TCA article 7 – et l’importateur doit fournir les informations utiles et pertinentes à la demande de l’exportateur – TCA article 8.
A noter que le soutien financier de l’Arabie saoudite à la Force conjointe au Sahel : 100 millions d’euros.
L’Arabie saoudite poursuit deux objectifs : démentir les accusations de soutien financier au terrorisme et consolider son influence au Sahel où elle investit dans la logique d’expansion wahhabisme et donc participe à une radicalisation de la société. La force Barkhane a mené plus de 120 opérations de combat et 70 projets civilo-militaires au 13 janvier 2019.
En Europe, il n’existe pas de stratégie commune. L’Allemagne a une position restrictive mais il est vrai que ses ventes d’armes sont mineures comparées à celles de la France et du Royaume-Uni – certains groupes allemands à l’exemple de Rheinmetall contournent l’interdiction. Il est vrai qu’entre la France et l’Allemagne, existe des accords Debré-Schmidt (1970) qui prévoient que les deux Etats ne doivent pas s’empêcher mutuellement « d’exporter ou de laisser exporter vers des pays tiers des matériels d’armement issus de développement ou de production menés en coopération ». Le traité d’Aix la Chapelle signé le 22 janvier 2019 fait état d’une « approche commune en ce qui concerne les projets conjoints en matière d’armement ». L’Espagne a officialisé la vente de cinq navires de guerre au nom de la lutte contre le chômage en Andalousie.
De facto, il faut bien reconnaître que l’idéal universaliste de justice et de paix connaît des modalités et des variations suivant la situation géopolitique du moment et les forces en vigueur.
Dr LV